Locala

Entretien avec Fatou Sall, Data Scientist à Locala

Publié le 8 mars 2023

D’après une étude du cabinet Boston Consulting Group, seuls 15% des Data Scientists dans le monde sont des femmes alors qu’elles représentent près de 35% des étudiants en science, technologie, ingénierie et mathématiques. A l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, nous avons interviewé Fatou Sall SARR, data scientist dans l’équipe Locala depuis près de deux ans, sur son expérience dans ce métier où les femmes sont sous représentées.

En quoi consiste actuellement le travail que tu fais en tant que Data Scientist pour Locala?

Fatou : En deux mots, j’aide l’équipe à mettre en place des méthodes qui leur permettent de mieux comprendre les données d’audience et à cibler les zones business ou à fort potentiels pour accompagner nos clients dans l’optimisation de campagnes publicitaires.

Peux-tu nous en dire plus sur la partie “data” de ton métier?

Fatou : Oui, en tant que “data scientist”, je collecte, analyse et modélise nos données géolocalisées pour l’ensemble des marchés sur lesquels nous sommes présents. Notre data s’appuie sur des millions d’ID mobiles pour identifier les zones à fort potentiel business et activer les audiences à valeur. Notre base de données recense des millions de points de vente ou POI.

Qu’est-ce qui a suscité ton intérêt pour la data science?

Fatou : Cela a été un long chemin. J’ai suivi une formation en statistiques, informatique et économie, puis je me suis spécialisée en data science. Dans la partie data, il y a la collecte de données, la mise en valeur, la production de données et de valeur ajoutée que l’on peut utiliser pour prendre des décisions en utilisant les méthodes statistiques. Tout cela passe par des outils que l’on utilise au quotidien. C’est ce qui m’a motivé à faire de la collecte et de l’analyse des données.

Est-ce que dans ta formation, en tant que femme, tu as rencontré des challenges particuliers ? Comment as-tu vécu ton parcours en tant que femme ?

Fatou: C’est un parcours plus ou moins difficile car il y a beaucoup de mathématiques au départ de la formation, et comme j’aimais beaucoup les maths, cela m’a aidé un peu dans mon choix. D’ailleur , j’ étais lauréate du concours général en 2010 en classe de première. Quand j’ai regardé les formations , je savais que je voulais travailler sur les modèles statistiques. Je ne me voyais pas forcément faire de la statistique, mais je voulais juste faire des calculs, passer du temps avec mon ordinateur et faire des applications informatiques. Et puis, petit à petit, en grandissant, j’ai su que, par rapport à mes appétences, cela correspondait au métier de data . Ainsi, à travers les concours, j’ai pu choisir ce que je voulais faire en fonction des demandes et des compétences requises dans le parcours, et j’ai su que ce qu’il me fallait c’était la statistique. J’ai donc commencé par là, puis j’ai appris l’informatique et l’économie grâce à la formation. Et pour aller plus loin, j’ai continué par la Data Science en integrant l’ENSAE Paris. J’avais la possibilité de me diriger vers la branche Actuariat , plus populaire auprès des femmes, mais moi, je préférais la Data Science où il y a plus d’analyse de données et où l’on maîtrise davantage les outils informatiques.

Pourquoi penses-tu qu’il y a moins de femmes qui se dirigent vers ce type de formation ?

Fatou: En général, les femmes ne sont pas très motivées pour faire des études en statistiques, et elles préfèrent faire des études beaucoup plus souples en termes de compétences en mathématiques.

Que pourrait-on faire pour encourager les femmes à s’orienter davantage vers la data science plutôt que les autres domaines d’application ?

Fatou : Il faudrait leur montrer l’importance des données, comment les utiliser et mener des campagnes de sensibilisation où l’on montre la journée type d’un data scientist. Ce qui est particulièrement intéressant est comment l’analyse des données aide les entreprises dans la prise de décision. Au-delà de l’aspect scientifique, on apporte une réelle valeur ajoutée.

Penses-tu qu’en tant que femme dans ce métier, tu pourrais participer à des programmes pour encadrer les jeunes femmes intéressées ?

Fatou : Je ne sais pas s’il existe de tels programmes pour le moment. Je ne connais pas d’associations qui le font, mais si j’en connaissais une, je serais ravie d’y participer. Tout à l’heure, je disais juste que lorsqu’il y a une femme et un homme qui se présentent au même poste dans ce domaine, en général, on a tendance à prendre l’homme. Ce n’est pas lié au métier de la data science, mais c’est plutôt une tendance générale. Donc, cela constitue une contrainte pour les femmes dans ce métier.

Quel conseil donnerais-tu aujourd’hui à une jeune femme qui, comme toi, adore les statistiques et les mathématiques mais qui ne sait pas trop vers quoi se diriger ? Elle pense à la data science mais a un peu peur du fait qu’il y ait peu de femmes. Quel conseil lui donnerais-tu pour débuter sa carrière comme toi ?

Fatou : C’est de s’autoformer. Une fois que tu as fini la formation, la clé dans ce métier, c’est de continuer à te former, de t’intéresser à l’actualité, de suivre tout ce qui est magazine de data science, d’être à jour par rapport à certains modèles, et c’est ainsi que tu pourras te démarquer dans ce domaine. Car plus tu as de compétences, plus tu as de chances d’être recruté.

As-tu eu un mentor ou quelqu’un qui t’a soutenu dans le monde du travail ou dans tes études ? Quelqu’un qui t’a accompagné pour continuer sur cette voie, qui t’a marqué dans ta carrière, que ce soit sur le plan académique ou professionnel ?

Fatou : C’est plutôt une personne qui m’a marquée sur le plan académique et professionnel en fait, car mon maître de stage était une femme. Elle était très pertinente, elle m’a beaucoup motivée et confortée dans le choix de cette formation et de cette carrière. Je la décris comme une personne qui fait des analyses très pertinentes, qui est proactive, qui est dynamique sur tous les plans. Je l’ai sollicitée sur de nombreuses demandes et elle avait toujours une réponse adéquate.

Ça m’a beaucoup aidé de savoir que même en tant que femme, on est capable de réussir dans ce domaine.

Tu es une femme data scientist, mais tu es aussi une femme qui représente la diversité, est-ce que tu peux me donner ton avis sur ce sujet ?

Fatou : Moi, je viens du Sénégal, donc un pays africain francophone qui a des relations étroites avec la France. Mais en ce qui concerne l’éducation, il y a beaucoup de retard pour l’éducation des femmes. Les hommes vont beaucoup plus à l’école que les femmes. En général, le choix qui est donné, c’est soit un mariage très tôt, soit les parents n’ont pas les moyens de scolariser tous les enfants, et donc ils font le choix en faveur des garçons. Il y a donc deux points qui font que dans notre pays, il n’y a pas beaucoup de femmes qui vont à l’école et encore moins qui font des études en statistiques. Il faut vraiment rester motivée pour le faire. Il y a certaines personnes qui vont te décourager en parlant de la responsabilité de la femme dans le ménage qui est de tenir son foyer. Donc, ça c’est spécifique aux pays africains en termes de retard de la formation des femmes. Il y a beaucoup d’organismes qui militent pour ça, qui vont aider les jeunes femmes à rester à l’école, mais il y a du travail à faire dans ce sens-là.

Comment peux t-on encourager les jeunes femmes dans ce contexte?

Fatou : Du coup, l’avantage qu’on a ici en France, c’est d’aider les enfants. Par exemple, moi, ce que je fais actuellement, c’est de faire comprendre aux enfants l’importance des études en mathématiques, aussi bien qu’en littérature, et que tu sois capable de faire ton choix, est-ce que tu veux continuer dans tel domaine. Donc, leur faire comprendre dès le plus jeune âge qu’il n’y a pas de supériorité homme par rapport à la femme, qu’il y a l’égalité. J’ai la chance d’avoir deux enfants, un petit garçon et une petite fille, et je leur fais comprendre à tous les deux qu’on est d’égale valeur et que tout le monde peut faire ce qu’il veut, tout en respectant le choix de l’autre.